Egypte: l’armée appuie les réformes de Moubarak, foule compacte au Caire

La toute puissante armée en Egypte a apporté vendredi son appui aux réformes promises par Hosni Moubarak et appelé à la fin de la contestation, au moment où des dizaines de milliers de personnes criaient leur colère contre le chef de l’Etat qui s’accroche au pouvoir.

Sur la place Tahrir, symbole de la contestation au Caire, les manifestants affluaient pour une journée de mobilisation massive contre M. Moubarak qui s’accroche à son poste, après avoir appelé l’armée à prendre position: « Armée il faut faire un choix, le régime ou le peuple! »

L’armée, colonne vertébrale du régime, a semble-t-il choisi de respecter les choix de M. Moubarak, qui a gouverné sans partage depuis 30 ans l’Egypte, le pays le plus peuplé du monde arabe (80 millions d’habitants) et poids lourd de la région.

Dans « le communiqué numéro deux » lu à la télévision par un présentateur, le conseil suprême des forces armées a dit se porter « garant » des réformes promises par M. Moubarak, en soulignant « la nécessité d’un retour à la vie normale » en Egypte secoué depuis le 25 janvier par les protestations.

Le conseil, présidé par le ministre de la Défense Mohamed Hussein Tantaoui, a annoncé des mesures « sur la base des derniers développements qui déterminent le destin du pays (…) et la décision de déléguer les prérogatives au vice-président ». Il assure qu’il garantira la tenue d' »une élection présidentielle libre et transparente à la lumière des amendements constitutionnels décidés » et « met en garde contre toute atteinte à la sécurité de la nation et des citoyens ».

L’armée, qui n’est pas intervenue contre les manifestants, est déployée aux entrées de la place Tahrir où des dizaines de milliers de personnes manifestaient ainsi que dans les rues et devant le Parlement voisin, au 18e jour de la révolte.

La foule a commencé de réagir avec dépit aux annonces de l’armée. « Vous nous avez déçus, on avait mis tous nos espoirs en vous », a lancé un manifestant à l’égard des militaires. Les protestataires, qui réclament également le départ du vice-président Omar Souleimane, espère une mobilisation d’une ampleur sans précédent depuis le début de leur mouvement.

« Trente ans après, on est fatigué de l’écouter, tout ce qu’on veut entendre c’est qu’il va partir », dit Mohammad Ibrahim, un instituteur de 42 ans venu d’Alexandrie (nord) sur la place Tahrir. Au moment où la foule criait « l’armée et le peuple main dans la main », l’un des organisateurs a lancé: « nous n’avons pas pris d’assaut le bâtiment de la télévision ou le Parlement car ils sont sous la protection de l’armée. Tout ce que l’armée protège, nous le protégeons ».

Des rassemblements ont également eu lieu devant le palais présidentiel de M. Moubarak et le siège de la radio-télévision, protégés par l’armée.

Trois soldats ont abandonné armes et uniformes pour se joindre aux manifestants au Caire, selon des témoins.

Alors que pendant des heures jeudi soir, un départ imminent du président avait fait l’objet d’intenses spéculations, M. Moubarak a annoncé qu’il déléguait ses prérogatives au vice-président mais qu’il restait de droit président jusqu’à la fin de son mandat en septembre. Le président américain Barack Obama a estimé que ce transfert de pouvoirs n’était pas suffisant, alors que d’autres capitales appelaient à une transition immédiate du pouvoir.

« J’ai décidé de déléguer au vice-président les prérogatives du président de la République conformément à ce que prévoit la Constitution », a dit M. Moubarak, sans annoncer sa démission.

« Je suis conscient du danger que représente cette croisée des chemins et cela nous impose de faire passer d’abord les intérêts supérieurs de la nation. La transition du pouvoir va d’aujourd’hui à septembre », a-t-il ajouté, en référence à la présidentielle à laquelle il a promis de ne pas se présenter.

M. Moubarak conserve de larges pouvoirs constitutionnels et reste le seul à pouvoir dissoudre le Parlement et limoger le gouvernement, en vertu de l’article 82. Il a aussi annoncé l’amendement de cinq articles controversés de la Constitution liés à la présidentielle.

Face à l’indignation internationale, il a dit qu’il ne se plierait « pas aux diktats étrangers ».

Les quelque 200.000 manifestants rassemblés place Tahrir ont fait éclater leur colère lors du discours de M. Moubarak. Des centaines ont brandi leurs chaussures en direction de l’écran où était retransmis le discours, geste insultant dans le monde arabe, en chantant « A bas Moubarak! Dégage! » Ils ont également crié « Souleimane, toi aussi dégage »!, après que celui-ci eut appelé les manifestants à rentrer chez eux.

L’opposant égyptien le plus en vue Mohammed ElBaradei, s’est alarmé en avertissant que l’Egypte allait « exploser ».

Depuis le 3 février, les manifestations se déroulent le plus souvent dans le calme. Des heurts se sont produits entre policiers et manifestants les premiers jours puis entre pro et anti Moubarak le 2 février. Les violences ont fait environ 300 morts selon un bilan de l’ONU et Human Rights Watch.(AFP)

Martin Levalois

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